Suggestions de lecture

Pouvons-nous être chrétiens, libres et heureux ?

photo Renée Thivierge

Par Renée Thivierge

Suggestions de lecture

15 janvier 2020

Timothy Radcliffe est un prêtre dominicain né à Londres et qui a enseigné pendant 12 ans l’Écriture sainte à Oxford. Il a été maître général de l’Ordre des prêcheurs de 1992 à 2001. Cet ouvrage est un fervent plaidoyer pour la liberté au sein d’une Église universelle, malgré ses apparents paradoxes.

 

Amour, enseignement et célibat

L’amour est son premier objet de réflexion : « Est-ce que notre croyance en Dieu modifie vraiment notre amour? » Il y a l’amour de soi et l’amour du prochain, cet amour de Dieu (Mc 12, 29) n’est-il qu’un amour de plus? « Quelle différence, demande l’auteur, d’ajouter l’amour de Dieu? […] Est-ce que notre croyance en Dieu modifie vraiment notre façon de comprendre l’amour? » Pour lui, « le terreau qui nourrit les couples est spécifique à leur amour partagé. Mais si le partage se fait dans la vie de Dieu, il les portera alors vers les grands espaces. »

Il aborde ensuite cette recherche de vérité qu’est l’acte d’enseigner. Cette vocation de l’enseignant, la vocation pédagogique, est à ses yeux la vocation la plus importante. De plus, il est essentiel que la relation entre le maître et l’élève soit caractérisée par l’amitié.

 

Enseigner la vérité dépasse de beaucoup la simple tâche de transmettre la science des faits objectifs. Cela vous transforme

Timothy Radcliffe

 

De plus, cette recherche de vérité doit accepter les désaccords et les différences. Il souligne que Thomas d’Aquin « disait avoir appris autant de ceux avec qui il était en désaccord que de ceux dont il partageait les opinions. »

 

Timothy Radcliffe. Crédit photo : Philippe Vaillancourt, Presence

 

En ce qui concerne la question du célibat chez les religieux, il affirme « que le vœu que nous prononçons de nous abstenir de sexe a un côté qui choque, qui surprend. Il est totalement dénué de sens si l’on ne croit pas au royaume. » Pour lui « notre vœu de chasteté nous enracine dans un autre sol. Nous sommes voués à être des signes de l’amour de Dieu, immense et ouvert. »

Toutefois, « un amour qui s’adresse à tous n’atteint personne. » Ce vœu de chasteté ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’intimité, d’affection profonde et de tendresse. Il s’agit plutôt « d’apprendre à voir ce qui est là sans avoir besoin de le posséder, de le prendre. »

 

L’éducation et se sentir chez soi dans l’Église

Dans le chapitre sur l’éducation, il parle de l’importance d’avoir confiance en nos enfants, de penser sincèrement que nos jeunes doivent oser. Il fait référence aux paroles prononcées par le Pape François lorsqu’il s’est adressé aux jeunes durant sa visite à Rio de Janeiro, le 27 juillet 2013 :

 

Vos jeunes cœurs veulent construire un monde meilleur… Des jeunes dans la rue. Ce sont les jeunes qui veulent être les premiers acteurs du changement. S’il vous plaît, ne laissez pas les autres être les premiers acteurs du changement. Vous êtes ceux qui détiennent l’avenir entre leurs mains!… À travers vous, le futur se réalise dans le monde.

 

Pape François

 

À la question : Pouvons-nous nous sentir chez nous dans l’Église? Timothy Radcliffe cite encore une fois le pape François : « L’Église est appelée à être la maison du Père, avec des portes toujours grandes ouvertes […], l’endroit où tous peuvent trouver leur place, quels que soient leurs problèmes et pour aller vers ceux qui éprouvent le besoin de reprendre leur chemin en direction de la foi. » Pour l’auteur, cette Église est un foyer, vraiment bien exprimé dans ces vers du poète américain Robert Frost :

 

Qu’est-ce donc un foyer? L’endroit si tu t’y rends,

Où l’on doit t’accueillir. Mais disons autrement :

C’est le bienfait, ou la récompense accordée

Que tu peux obtenir sans l’avoir méritée.

 

Les deux chapitres suivants portent sur « une Église qui se présente comme une et universelle ». Cette Église « conteste toute identité qui donne un primat sans partage à nos origines nationales ou ethniques. » Au contraire, « l’hospitalité envers l’étranger nous ouvre un peu plus à ce que nous serons. »

 

Peut-on être chrétien et libre?

Mettant la cause sur la « multiplicité des interprétations que donne notre société de la notion de liberté », l’auteur nous parle de la « liberté indifférence ». Un type de liberté « qui dépeint l’être humain en individu solitaire dont la liberté consiste à faire ce qu’il veut. »

Mais il y a aussi cet autre type de liberté, dépeinte par le théologien S. T. Pinckaers, c’est « la liberté pour l’excellence ». Il s’agit d’une liberté plus vaste que la liberté de choix. C’est le choix « d’être libre au sens plus profond du terme. Libre d’aimer, de donner sa vie aux autres. C’est la liberté qui mène au bonheur. »

 

Libre d’aimer, de donner sa vie aux autres. Crédit photo : Natali_Mis

 

Trouver son désert à soi

Enfin, avant d’insister sur l’importance de faire une place à la conscience des laïcs aujourd’hui, Timothy Radcliffe explique que la spiritualité consiste à faire de la place à Dieu. Il parle de se réfugier dans un désert comme s’y est réfugié Jésus. « Les personnes les plus spirituelles que j’ai connues sont celles qui ont laissé l’Esprit les conduire au désert. »

Et il nous parle de Jean Vanier, le fondateur des communautés de l’Arche, pour qui l’univers du handicap a représenté son principal défi. « Jean y a cherché et trouvé Dieu, tout comme Mère Teresa s’aventurant dans le désert des bidonvilles indien l’a trouvé qui agonisait sur un trottoir. »

Après avoir tourné les dernières pages, une question s’impose, presque obsédante : « Quel sera ton désert à toi, celui où Dieu te parlera avec tendresse ? »

 

À PROPOS DE RENÉE THIVIERGE

Journaliste, auteure, traductrice et dramaturge, Renée s’intéresse depuis toujours à la philosophie et à la spiritualité. La beauté et l’humain sont ses meilleures sources d’inspiration et elle croit passionnément au pouvoir des mots afin de repousser et teinter de poésie les limites d’un monde souvent filtré et médiatisé.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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